Sep 19 2019 - Sep 19 2019

Jeanne Mance, fondatrice de l’Hôtel-Dieu

Qui est Jeanne Mance?

Reconnue cofondatrice de Montréal à l’égal de Paul de Chomedey de Maisonneuve en 2012, à l’occasion du 370e anniversaire de la fondation de la métropole du Québec, Jeanne Mance est aussi la fondatrice de l’Hôtel-Dieu de Montréal, le premier hôpital de la ville. « Peu de villes au monde peuvent s’enorgueillir d’avoir été fondées par une femme », déclarait le maire Gérald Tremblay lors de la cérémonie dévoilant cette annonce.
Née le 12 novembre 1606 à Langres (France), Jeanne Mance a vécu la première moitié de sa vie dans cette ville de la région champenoise. À cette époque, Langres vit des années troubles: la ville connaît des épisodes d’épidémies, de famines et de guerre. Les blessés, les malades et les mendiants abondent. Jeanne Mance, élevée pieusement depuis son enfance, se dévoue pour leur cause et s’initie au soin des malades.
La famille de Jeanne Mance appartient à la petite bourgeoisie de la ville. Son père, Charles Mance, est procureur au baillage de Langres, et sa mère, Catherine Émonnot, est issue d’une lignée de notables de Langres. Le couple aura douze enfants, six garçons et six filles, Jeanne Mance étant leur deuxième enfant. Après la mort de ses parents, ayant été initiée par son père aux principes de l’administration, Jeanne Mance s’occupe des affaires de la succession et du reste de la famille avec son frère aîné. Jeanne Mance est une jeune femme intelligente et cultivée, qui a par ailleurs étudié chez les Ursulines.
L’année 1640 marque un tournant dans sa vie. Nicholas Dolebeau, son cousin, l’entretient sur la Nouvelle-France et sur ces femmes qui, comme Madame de Chauvigny de La Peltrie (1603-1671) ou la duchesse d’Aiguillon (1604-1675), y développent un projet missionnaire. Jeanne Mance quitte alors Langres pour Paris, où elle tisse des liens avec les personnalités influentes de l’époque. Elle y fait la rencontre d’une riche bienfaitrice qui souhaite rester anonyme, Angélique Faure de Bullion. Celle-ci lui offre de financer la fondation d’un hôpital en Nouvelle-France.
Forte de ce soutien financier, Jeanne Mance souhaite passer en Nouvelle-France. Elle quitte alors Paris pour La Rochelle, ville portuaire où un départ se prépare. Elle y fait la rencontre de Jérôme Le Royer de La Dauversière (1597-1659), membre fondateur de la Société de Notre-Dame de Montréal dont le but est d’édifier une colonie sur l’île de Montréal. Jeanne Mance se joint au projet de La Dauversière avec Paul de Chomedey de Maisonneuve (1612-1676), et s’embarque pour la Nouvelle-France en 1641. Arrivée la première, le bateau de Maisonneuve ayant été retardé, Jeanne Mance passe l’hiver à Sillery, près de Québec, et assume son rôle d’intendante: elle fait construire un logement temporaire pour les colons, ainsi qu’un magasin pour entreposer le matériel qui servira lors de l’établissement de Ville-Marie. Le 17 mai 1642, Maisonneuve prend officiellement possession de l’île de Montréal.
Montréal, été 1642 (Francis Back, Canada, 1991, Encre, gouache et crayons sur carton, Collection du Musée des Hospitalières de l’Hôtel-Dieu de Montréal)
Si Maisonneuve est mandaté « pour le dehors et pour la guerre », Jeanne Mance veille quant à elle aux « soins du dedans ». Elle aménage un dispensaire dans un logis du fort afin de recevoir les malades et les blessés. En 1645, elle voit à la construction de l’Hôtel-Dieu, premier hôpital de la ville, en dehors du fort. Les premières années sont difficiles pour les colons, entre le froid, les maladies et les attaques iroquoises. En 1650, il ne reste plus qu’une cinquantaine de colons sur les 150 initialement arrivés. L’Hôtel-Dieu a même dû être évacué et Maisonneuve le transforme en petite forteresse dotée de meurtrières et de canons. Face à la situation précaire de Ville-Marie, Jeanne Mance propose à Maisonneuve de retourner en France recruter de nouveaux colons. Pour ce faire, elle lui offre les 22 000 livres reçues de Mme De Bullion pour la construction et le fonctionnement de l’hôpital. Sa stratégie porte ses fruits: en octobre 1653, Maisonneuve revient avec une centaine de colons. Marguerite Bourgeoys est du nombre. Cet événement, appelé la Grande Recrue, sauve la colonie.
Pendant toutes ses années à Ville-Marie, Jeanne Mance fait partie des personnes influentes de la colonie. Pilier de la société montréalaise naissante, elle est plus de 73 fois marraine d’enfants autochtones ou français. Femme de décision, elle retournera trois fois en France pour régler des affaires urgentes en lien avec l’hôpital ou la survie de la colonie. Elle dirigera l’Hôtel-Dieu jusqu’à la fin de sa vie en compagnie de religieuses Hospitalières de Saint-Joseph qui l’aident à prendre soins des malades. Considérée comme « la mère de la colonie », elle sera invitée en 1672 à poser une des premières pierres de la future église Notre-Dame.
Jeanne Mance meurt le 18 juin 1673 à Montréal. Sa sépulture est aujourd’hui conservée dans la crypte des Hospitalières, située sous l’ancienne chapelle-église de l’ensemble conventuel des Hospitalières de Saint-Joseph sur l’avenue des Pins.

Le vrai visage de Jeanne Mance ?

Nous ne savons rien de l’aspect physique de Jeanne Mance, la plupart de ses effets personnels ayant disparu lors des nombreux incendies qui ont touché l’Hôtel-Dieu. Ce sont des artistes qui, aux XIXe et XXe siècles, la dépeignent dans des illustrations. Le portrait de la collection des Hospitalières de Saint-Joseph est probablement une colorisation effectuée par la Société de reproduction artistique de Louis Ernest Dugardin (Paris, 9e arrondissement) sur la copie d’un dessin réalisé par Sœur Alexandrine Paré à la fin du XIXe siècle. Ce dessin était lui-même largement inspiré du portrait imaginaire de Jeanne Mance paru en 1867 dans l’ouvrage Histoire des grandes familles françaises du Canada.
Jeanne Mance
(Louis Ernest Dugardin, France, Fin du XIXe siècle, Huile sur panneau de bois, Collection RHSJM, 1984.X.618)

Bibliographie

    • Jeanne Mance 1606–1673, Marie-Claire Daveluy, éditions Albert Lévesque, 1934.
    • Jeanne Mance. De Langres à Montréal, la passion de soigner, Françoise Deroy-Pineau, Biblio Fides, 2016.
    • Histoire de Montréal, Mémoires de la Société historique de Montréal, François Dollier de Casson, 1869.
    • Histoire simple et véritable. Les annales de l’Hôtel-Dieu de Montréal, 1659-1725, Marie Morin, édition critique par Ghislaine Legendre, 1979.
    • Les Relations et le Journal des Jésuites.
Date
  • Sep 19 2019 - Sep 19 2019

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